Je n'ai plus d'opinions
Mesdames et messires
Et autres appellations
C’est aujourd’hui que je me retire
Du débat, de la discussion
Je vous le dis, quoique mon corps
Soit jeune et guilleret
Si je m’exprime, mon apport
Est hautement désuet
Fuyez avant que je ne l’ouvre
C’est que les idées que je couve
Risquent de semer la pagaille
Me faire cramer dans un feu de paille
Moi qui à dos d’âne
Avance à tâtons
Gribouillant quelques états d’âme
Pâlement du bout d’un crayon
Quand je vois ceux qui, à dos d’ondes
À vitesse de lumière
Déversent leur pensée féconde
Âprement dans la stratosphère
Ça me dépasse, me dépasse
Ça me les casse, me les casse
Je me retire dans mon jardin
Avec mes fleurs et mes nains
Je n’ai plus d’opinions
Je m’occupe de mes oignons
Les deux mains dans la terre
Et la tête en l’air
Dans le bombardement
De blogues, de posts, au front!
Je n’ai pas le bon armement
Pour tirer des conclusions
C’est que mon pauvre sens critique
Se bute au doute systématique
J’ai les idées qui souvent changent
Au gré de ce que je mange
Sirop d’érable patriote
Tofu et je suis de la cohorte
Des écolos, végans, yogis
Au moins, jusqu’au prochain rôti
REFRAIN
Comment est-il advenu
Que j’aie perdu le fil
Toujours est-il que je ne puis plus
Dire tout haut ce qui me titille
Pour un terme, pour un genre
Rapidement offensée
Je ne sais si la nouvelle engeance
Est plus complexe ou complexée
J’ai adopté le port du bâillon
J’en ai à pois, lignes et zébrures
Si je n’enferme pas ma parlure
Je crains de périr à coups de bâton
REFRAIN
Lorsque je serai morte
Vous pourrez m’empailler
Curiosité d’une autre époque
Délaissée dans un coin de musée
Parmi les sinistres victimes
Du grand cancellement
Lynchées pour un mot, une rime
Excommuniées comme des brigands
Avant que l’on m’occise
Venez en ma demeure
Refuge des mots interdits
Asile pour libres penseurs
Quand on aura tous disparu
Nous, insouciants poètes grivois
D’intérêt la vie n’aura plus
Mais en attendant, on est bien là
Et ça nous dépasse
Ça nous les casse, nous les casse
Retirons-nous dans mon jardin
Gueulons gaiement comme des gamins
REFRAIN
Dans l'onde d'un doute
Quand je regarde vos lèvres aller
Et que j’entends l’air vibrer
Autour de nous, autour de nous
Ne voyez-vous pas mes yeux vitreux
Cherchant prétexte à quitter les lieux
Et fuir vous, et fuir vous
L’épandage de votre culture
Je l’endure, mais ce bavardage
Gardez-le pour vous, gardez-le pour vous
OK, ça suffit, je m’en vais au lit
Et je vous laisse entre mecs
Chercher des poux, chercher des poux
Chaque connaissance nouvelle
Goutte à goutte, comme un supplice
Coule dans mon abysse
D’incompréhension existentielle, ciel!
Et je pagaie dans l’incertitude
Et je souris, ris
Ne m’affirmez pas
Ne m’enfermez pas
Avant qu’ils ne sortent
J’enfoncerais bien tout au fond de vos grandes gorges
Vos séminaires impromptus
Sans une question posée
Sans un sourcil haussé
Mille réponses déferlent en douce
Doucement, doucement, tout sourire, vous m’effacez
Doucement, doucement, tout sourire
Vous m’emmerdez
Dans l’onde d’un doute
J’ai décimé vos envies
Dans l’onde d’un doute
J’ai décidé de ma vie
Non, je ne sais pas concrètement
Selon vos normes
Je ne cite pas, ne me cite pas
Mais j’intuitionne
Je sais avec mes neurones
Celles de mon ventre, pas comme il faut
Dans vos dédales épistémologiques
Je m’ennuie, je m’enfarge
Je me réduis, je m’empale
Dans l’enchaînement interminable des concepts
Qui mène à des faits sans geste
Et puis d’autres concepts
Doucement, doucement, tout sourire, vous m’effacez
Doucement, doucement, tout sourire
Vous m’emmerdez
Dans l’onde d’un doute
J’ai décimé vos envies
Dans l’onde d’un doute
J’ai décidé de ma vie
Ton succès
Allez, vas-y, mon grand homme
Sors du nid, va de par le monde
Épanoui, fier, poursuis tes rêves
Lance-toi dans l’univers
Vas-y, pars, n’aie pas peur
Épargne-moi les larmes
C’est l’heure
T’as tout pour toi
T’es jeune, beau brillant
Ça ira
Je t’ai soutenu, aimé, j’ai tout donné
J’ai enduré tes over-the-top et tes bas profonds
Allez, va, il est temps, va
Avant que je te pousse en bas du balcon
Comme pour un oisillon qui apprend à voler
Aweye, saute, t’es capable
Je veux juste t’aider
Ah, moi, ça roule, ça va la vie
Déjà un mois que t’es parti
Je me sens un petit peu moins comme un déchet
J’envisage de nouveaux projets
Comme une nouvelle coupe de cheveux
Mais pas trop
Et déplacer le divan un peu plus vers la gauche
Ou pas
En tout cas, je passe moins de temps sur Facebook
À me demander c’est qui la chanceuse
De sale pute de criss de chienne avec qui tu couches
Mais moi, moi, on a assez parlé de moi
Toi, je te souhaite
Honnêtement, tout le succès dont tu as toujours rêvé
Je te souhaite que t’en aies plein la tête, du succès,
Que t’en aies plein le cul, de ton succès
Que tu ’étouffes avec ton succès
Que la planète entière t’encense
Jusqu’à ce que ça te rende seul, misérable
Et que tu sombres dans une sorte de perte de sens
Que, sans repères, tu repenses à naguère
Que finalement, tu réalises
Que sans moi, ça craint, que tu m’écrives
Un courriel d’excuses poétiques
Auquel je répondrais, emplie d’une volupté sadique
Avec mon silence
Pour qu’à ton tour, tu te sentes comme un déchet
Que ton aura n’attire que de pauvres connes
Sans intérêt
Que de pays en pays
De contrat en contrat
Que tout le monde t’envie
Que tu te sentes comme un rat
Je me consolerai en me disant que tout ça
Sera un peu grâce à moi
J'aime ta verve
J’aime ta verve
Le monde m’emmerde en grande partie
Mais toi, ta verve, elle me réjouit
Elle est superbe, elle éblouit
J’aime ta verve
Quand elle s’éclate, quand elle explose
C’est à chaque fois l’apothéose
Contre-attaque aux idées moroses
Quand tu me sors ton crayon
Qu’avec lui, t’exprimes ta passion
Sur nos pages plus du tout vierges
Ta verve, elle a toujours une plage
Comme ça m’inspire
Quand je te sens libre d’agir et de penser
Tu maîtrises
L’art de remettre la vie du bon côté
J’aime ta verve
Il y en a qui ne comprennent pas du tout
Ou qui sont simplement jaloux
Nous on refait le monde à notre goût
J’aime ta verve
Elle n’a pas le sens des proportions
Elle pousse trop loin quand c’est pas le temps
Je l’aime avec ses imperfections
J’aime ta verve
Mais passé trois bouteilles, je dois dire
Elle dérape, elle part en vrille
Elle est inapte à aboutir
Non, ce n’est pas métaphorique
Nous, notre amour est platonique
Ta verge et moi, c’est du passé
Y’a longtemps qu’on s’est rhabillés
Quand mes copains ou tes copines
Devinent notre intimité
Ça les fait chier, je sais pas pourquoi
Qu’est-ce qu’ils vont s’imaginer là?
Moi, j’aime ta verve
Il y en a qui ne comprennent pas du tout
Ou qui sont simplement jaloux
Nous on refait le monde à notre goût
La Cougar et le gigolo
Madame la Cougar
Rallume son cigare
Elle fume tout en langueur
Elle n’en est pas à ses premières chaleurs
En mission de repérage
De gibier dans la fleur de l’âge
D’une griffe teinte carmin
Elle lisse sa robe écrue
Et de ses grands yeux de félins
Repère sa nouvelle recrue
Madame la Cougar
Se cherche un bon gigolo
Madame la cougar
Va-t-elle se prendre un coup de râteau
Le jeune mâle n’est pas dupe
Du jeu de la mature fauve
Il s’approche, elle minaude
Il n’en est pas à son premier rut
Ils emplissent la terrasse
De mots, de rires agréables et fadasses
« Gente dame, trêve de bavardage
Dites, on s’enfile un autre verre
Et puis on file à votre chaumière
J’ai horreur du cabotinage »
Madame la Cougar, prise au dépourvu
De ne pas avoir su capturer le nouveau venu
Se laisse glisser la laisse au cou
Ramène ainsi le voyou
Après une nuit, une autre s’ensuit
Elle apprécie sa culture, bénéficie de sa nature
Elle lui offre le logis
À un très, très ludique prix
Madame la Cougar
S’entiche son gigolo
Madame la Cougar
Vous n’avez qu’esquivé le râteau
Un beau jour, au retour du boulot
Il n’y a plus de gigolo
Et où sont passés le vin et les billets
Qu’elle avait laissés sur la table de chevet
Le Gigolo se la coule douce
Auprès d’une jeune frimousse
Il sort le vin et lui propose
De le verser sur sa peau rose
Comme carafe y a rien de mieux
Pour cet élixir capiteux
Madame la Cougar
S’est fait voler son gigolo
Madame la Cougar
Pardonnez-moi ce coup de râteau
Madame la Cougar, c’est sur moi qu’il a bu le vin
Vous êtes triste je n’y peux rien
Vous devriez vous attaquer
À des proies de votre qualité
Vous êtes triste, je n’y peux rien
Oh! et merci pour les billets
On s’est payé un vrai festin
Le Vautour et la Biche
Le vautour suit de près
Une biche dont la plaie
Lui sera sans doute fatale
Lui, il aime pas la chair fraiche
Il préfère quand ça se désagrège
C’est passe mieux dans l’œsophage
Quand on est nécrophage
La pauvre bête à l’agonie
Cherche avec ses grands yeux de Bambi
Son troupeau parti au grand galop
Le vautour, très satisfait
Attend que son repas soit prêt
Pas un nuage à l’horizon
Grillade au grand soleil frappant
N’allez pas croire qu’il est un assassin sans morale
Il ne tue point, foi d’animal
Parlez-en aux maîtres corbeaux, blattes et chacals
Qui, comme lui, ne vont pas se fatiguer à la chasse
Mais prennent un coup autour d’une bonne vieille carcasse
Un peu de patience pour la pitance
C’est pas le genre d’oiseau qui gazouille
Dans la savane, ce qui résonne
C’est l’heure qui sonne
Dans son ventre qui gargouille
Dans son ventre qui gargouille
C’est pourquoi, quand sa proie remue
Se met à ramper vers un petit lac
Pour s’abreuver sous les feuillus,
Le charognard passe à l’attaque
Sans verser dans l’assassinat
On peut bien chatouiller le destin
Le vautour tournoie autour de son festin
« Fais pas cette tête-là, pauvre biquette
Te voir souffrir, ça me fait de la peine
Dis, t’as pas l’air dans ton assiette
Mais bientôt, tu seras dans la mienne »
Et sur ces mots, sans trop de malice
Il picore le museau de la biche
Inoffensive distraction
Pour empêcher sa sustentation
Le vautour n’a qu’à peine le temps
De voir briller de très grosses dents
Quand il se prend
Des griffes dans les flancs
Un peu de patience pour la pitance
Comme les fables sont injustes
Lui, qui aurait jamais tué une puce
Voilà que son repas le dévore
Depuis quand les cerfs sont carnivores
Sa mère aura eu beau lui dire
Que tout ça allait mal finir
Avec ses problèmes de vision
Il y a certaines petites choses qu’il confond
Comme une biche et un lion
Je t'entraine
Que ma coupe emplie de la famine des autres me saoule, me saoule tant
Mais tes plaintes inutiles me saoulent tout autant
Aveugle à la misère, amorphe, tu désespères
T’as raison, faut qu’on sorte d’ici
Te changer d’air vers ces autres pays
Où notre maigre monnaie sera mine d’or Comme si ça changeait quelque chose à ton pauvre sort
On s’en va
Sans vision, sans but
Chercher l’issue
De l’autre côté de la terre
On marchera
Là où l’herbe est plus verte
Là où l’âme s’écartèle
À la fuite de sa perte
On errera
Comme tant d’autres voyageurs
Qui font les cent pas
Pour apaiser leur peur
On foncera
Droit dans les murs
Invisibles et impurs
D’un esclavage masqué
Allez, viens, prends ma main
Je t’emmène
Allez, viens, prends ma main
Je t’entraîne
On ira
Noyer nos peines
Dans les bassins immenses
De la misère humaine
On pourra
Fleurir dans l’ombre
Des bras anguleux
De l’occident vicieux
On crachera
Notre argent sale
À la tronche des otages
Du délire colonial
Et on reviendra
Ta main dans la mienne
On sera peut-être les mêmes
Mais au moins, tu sauras
Allez, viens, prends ma main
Je t’emmène
Allez, viens, prends ma main
Je t’entraîne
De funérailles en funérailles
Moi, je suis pas fossoyeur
J’me pointe jamais au cimetière
Quoique ma présence précède souvent la mise en terre
Preuse chevalière du volubile
J’encaisse bravement les coups de fil
« Oui, oui, je peux vous faire
L’Ave Maria de Schubert »
Telle une superhéroïne
Qui arriverait toujours en retard
Je ne sauve personne, non, moi
Je chante pour les morts
J’accours en habits noirs
Armée de mon cartable et de mon athéisme
Je traverse la ville en bus : c’est aussi ça la vie d’artiste
De funérailles en funérailles
J’arrive à honorer mon bail
Quand vous mourrez, dites-vous
Qu’en plus de nourrir les insectes
Vous prenez part à la survie
D’une bande de musiciens à sec
Quoique je ne fume pas
J’ai toujours un paquet sur moi
Pour propager cancers, crises cardiaques à tout va
Faut bien que je m’assure un public à long terme
Vu le déclin démographique
Et puis, en cas de chômage
J’ai un copain tueur à gages
Par contre, ces derniers temps, de grâce
Abstenez-vous de mourir un peu
Je prendrais bien des vacances
Une petite semaine ou deux
Ou bien alors, faites-le en groupe
Qu’on règle ça une fois pour toutes
Crash d’avion ou pandémie
Plus de 25, je vous fais un prix
REFRAIN
​
J’ai bien tenté, tant et tant
De vendre ma voix aux vivants
Mais ils sont volatils, ingrats, moi, ça le fait pas
Non, la clientèle la plus fidèle
C’est celle qui n’a pas le choix et qui échoit
Malgré elle dans l’allée
Pendant que je suis juchée au jubé
Une partie de moi aimerait bien que dans la fumée
Il y ait des lasers
Et qu’on acclame mes airs à grands cris exaltés
Mais j’ai qu’une foule qui me tourne le dos
Qui s’ennuie ou étouffe des sanglots
Dans la boucane de l’encens
Qui se dissipe tristement
Et puis je pars en prenant mon argent comptant
Je file à l’anonyme
Vers un nouveau macchabée
Qui m’attend pour s’en aller
REFRAIN
Avant de mourir, dites-vous bien
Que si vous me voyez crevez de faim
Faites attention à vos arrières
Ou offrez-moi le pain et la bière
T'es parti
T’es parti au loin, t’es parti au large
Au loin, dans ma vie, t’as choisi la marge
T’es parti au loin, t’es parti au large
Bon, c’est pas si tragique, t’es que parti en voyage
Je suis la reine de l’appartement
L’impératrice de mon temps
Ya plus tes potes sur mon divan
Je me fous de quoi j’ai l’air,
Je peux être enragée, exécrable
Mon humeur n’a pas à être adaptable
Je reprends possession de mon domaine
J’étale mes toiles en bonne bohémienne
Je vogue dans mon propre bordel
Je me sens immortelle
Pèlerinage de salon
Voyage au centre du balcon
En exil pantouflard
Blottie dans ton départ
REFRAIN
Je peux jouer ma musique à tue-tête
Ou au contraire
Me promener nue dans le silence
C’est moi qui gère les nuances
Moi qui crée mon atmosphère
Je vis d’amour et de laisser-faire
Enfin, mes muses assommées de bavardage
Peuvent sortir des oubliettes
Enlever leurs bandages
Elles se relèvent, en sublime commando
M’insufflent un souffle nouveau
Adieu pages blanches
Et pannes d’existences
Comme il fait bon flâner
Seule avec mes idées
REFRAIN
On ne se reconnaîtra peut-être pas
Quand tu reviendras
Je vais rougir et tu vas rire
Comme à chaque fois
J’écouterai tes histoires
Je te chanterai mes chansons
Et sous le couvert du soir, on s’en dira plus long
Mais avant, je dois extirper de la moelle du temps
Tout ce potentiel enfermé au-dedans
Je dois l’attraper et qu’il ne me quitte plus
Même quand tu seras revenu
Ça presse, le temps file
Et les muses se défilent
Tu suis ta quête au-delà des mers
La mienne rugit dans mes artères
REFRAIN